Santé des dirigeants : comment se préserver ?

13 March 2024

La santé des dirigeants a tendance à être oubliée et moins prise en compte. En effet, lorsque l’on parle de santé au travail, on s’intéresse principalement aux salariés. Cependant, lorsqu’un dirigeant ne va pas bien, qu’il est en souffrance, c’est toute l’entreprise qui peut être impactée. Selon l’enquête de la Fondation d’entreprise MMA des Entrepreneurs du Futur, réalisée en 2023, près de 4 dirigeants sur 10 ont déjà été amenés à prioriser leur activité au détriment de leur santé. Par ailleurs, 23% des interrogés évoquent le risque de dépression ou de burn-out.

Nadine Bourgaux, psychologue du réseau Pros-Consulte, répond à nos questions sur la santé des dirigeants.

De quelle manière la santé des dirigeants peut-elle être affectée ?

La santé des dirigeants est en effet un sujet qui a été un peu délaissé. Alors que les services de médecine du travail ont été créés en 1946, la prise en compte de la santé du dirigeant entre dans la législation avec la loi santé au travail du 2 août 2021, entrée en vigueur le 31 mars 2022. Et pourtant, il s’agit d’un enjeu important car on constate une augmentation de l’activité entrepreneuriale. Les plus jeunes expriment également de plus en plus la motivation de créer leur propre activité.

Santé des dirigeants : des risques pour la santé mentale et physique

L’étude citée précédemment de la fondation MMA, faite auprès de dirigeants, montre des résultats qui invitent à la réflexion. Dans cette étude, une majorité des dirigeants (83%) s’estiment en bonne santé. Ces résultats, de prime abord plutôt satisfaisants, sont néanmoins à nuancer. En effet, un dirigeant sur 4 évoque un risque de dépression ou de burn-out. 7 sur 10 déclarent souffrir d’au moins une douleur physique : mal de dos, douleurs articulaires, mais aussi troubles du sommeil sont les plus cités.

Santé des dirigeants : un suivi médical mis de côté

Et plus inquiétants, les résultats montrent que plus du tiers d’entre eux négligent le suivi médical. Un tiers a renoncé à consulter faute de temps, essentiellement pour privilégier leur activité professionnelle.

Cette étude montre aussi que 7 dirigeants sur 10 s’estiment impactés par le stress. 4 sur 10 ont du mal à concilier vie personnelle et vie professionnelle. On retrouve là des troubles classiques des impacts du stress au travail sur la santé physique et mentale.

Un déni de la santé

Olivier Torrès est chercheur à l’université de Montpellier et fondateur de l’Observatoire de la santé des dirigeants AMAROK. Il parle du syndrome de « je n’ai pas le temps d’être malade » voire « je n’ai pas le droit d’être malade ». Il y aurait comme un déni de la santé pour beaucoup de dirigeants. Les préoccupations liées à la santé de leur entreprise priment le plus souvent sur la prise en compte de leur propre santé.

Il importe de maintenir et développer des points de vigilance par rapport au surmenage, à l’épuisement professionnel pouvant évoluer vers un burn-out, ou encore des idéations suicidaires.

Santé des dirigeants : quels sont les facteurs de risque ?

En quoi diffèrent-ils de ceux des salariés ?

Les risques sont liés en partie aux spécificités de la fonction de dirigeant. Henry Mintzberg, référence en matière de recherche en management, a montré que le dirigeant n’est pas centré essentiellement sur des aspects de stratégie. En effet, la multiplicité, la brièveté des tâches, les cadences effrénées, les interruptions fréquentes, caractérisent également son activité.

Le dirigeant doit être constamment tourné vers l’action. Sa casquette lui demande de s’adapter en permanence dans un contexte de complexité croissante. Il est immergé en permanence dans des situations qu’il ne connaît pas ou ne maîtrise pas.

Et malgré cela, c’est lui qui doit donner le cadre, fixer des objectifs. Il crée également les conditions pour que l’activité de l’entreprise se réalise au mieux.

Des facteurs multiples sources de complexité

La complexité est générée par des facteurs multiples comme des situations de crise au niveau mondial qui peuvent impacter l’activité, les évolutions technologiques et digitales. Mais aussi par les évolutions sociétales, le développement du télétravail et du mode hybride depuis la crise sanitaire. Ou encore les attentes par rapport au travail par exemple et la place du travail dans la vie. Pour manager dans l’incertitude et la contradiction, il lui faut mobiliser de nouvelles façons de penser, de faire. Il est également nécessaire d’être relié en permanence aux évolutions de son environnement. Le dirigeant doit en quelque sorte avoir toujours une longueur d’avance.

Santé des dirigeants : 4 types de stresseurs

Olivier Torrès identifie 4 grands types de stresseurs spécifiques pour les dirigeants. Il y a des éléments qui se situent au niveau de la stratégie et la gouvernance. On peut citer par exemple les conflits entre associés. Ensuite ce qui concerne des aspects financiers. Par exemple, une baisse du chiffre d’affaires, des problèmes de trésorerie. Il s’agit aussi des facteurs liés aux aspects relationnels et sociaux. Devoir licencier, devoir répondre à des revendications sociales ou gérer des conflits en font partie. Et enfin tout ce qui concerne la production et les aléas pouvant intervenir sur ce plan.

Des facteurs de risques de même type que ceux des salariés

Néanmoins, l’activité du dirigeant se situe dans la sphère du travail comme pour les autres salariés. Donc au-delà de ces facteurs de stress intrinsèques au rôle de dirigeant, il est exposé à des facteurs de risques de même nature que tous les salariés. Même si pour un certain nombre, on peut les analyser sous un angle un peu différent.

Le dirigeant peut notamment être exposé à la charge de travail, à la charge mentale. Elles peuvent être induites par la multiplicité des activités, les responsabilités, le poids des décisions. Le manque de temps pour réaliser toutes ses missions peut aussi générer un sentiment d’activité empêchée. Par ailleurs, il peut être exposé à des conflits de valeur, au manque de reconnaissance de son environnement de travail. Enfin, l’insécurité liée à la situation économique de son entreprise fait aussi partie des facteurs de risques.

Des facteurs salutogènes

Pour autant, en parallèle de ces facteurs de risques, on identifie des facteurs ressources spécifiques pour le dirigeant. Olivier Torrès les décrit comme des facteurs « salutogènes ». Il peut s’agir du sentiment d’auto-efficacité, l’optimisme, la satisfaction au travail. Ces facteurs apportent du sens et de la cohérence au dirigeant. Ils sont source de motivation et viennent en quelque sorte, contrebalancer les facteurs de risques. Ils limitent également les risques d’évolution vers des pathologies telles que le burn-out. L’entreprenariat a donc également des effets bénéfiques sur la santé.

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